C’est un choix délibéré de la part de l’artiste et de l’association Les Marbrières de Caunes d’exposer ces œuvres représentatives de l’art contemporain dans un lieu comme ce cloître mauriste du 18ème siècle ou encore dans le cloître souterrain du 12ème siècle. L'architecture pure du cloître offre un fort contraste et par là-même un cadre particulièrement adapté pour cette exposition.
Dans son travail, Suse Stoisser associe des matériaux divers, l’acier, l’aluminium, le plexiglas, le bois… pour créer de nouvelles formes qui s’éloignent de leur fonctionnalité représentative pour inciter à la réflexion, solliciter l’imaginaire de chaque spectateur. Chacun peut ainsi à travers son propre savoir, sa propre culture donner du sens à chaque œuvre. A l’association inattendue de matériaux divers s’ajoute le jeu des formes vides et pleines. À travers l'imaginaire du Plein et du Vide, chacun investit la réalité selon les trois plans de la connaissance : ceux de la matière, de la vie et de l'esprit. Les œuvres exposées demandent à être regardées, et pas seulement vues.
Quelques pistes pour les regarder…
• Les silhouettes verticales
Dans ces créations, aboutissement d’un travail récent, on peut remarquer les éléments signifiants que sont les jambes et les pieds (formes vides) : la position des pieds et le caractère tantôt féminin, tantôt masculin des jambes, voire même androgyne de certaines silhouettes.
On trouve dans ces silhouettes des références à l’art sacré de peintres comme Matthias Grünewald (cf. la position des pieds ou encore le pagne du Christ sur la croix).
A noter également l’association de techniques modernes de création avec la tradition de la peinture classique: découpe de l’acier à partir d’une maquette numérique et application d’une laque parfaitement lisse avec la représentation peinte d’un pagne, de rubans, d’un short, d’un sac…
• Les sacs
Le sac est vu ici comme un élément personnel, féminin, quotidien. La couleur rose fait référence à la mode (cf. les sacs Prada par ex.) On y dépose toute chose/ tout objet, considéré comme personnel, précieux, intime, utile… à garder.
Les inscriptions sur les sacs sont des suggestions qui rencontrent un écho chez le visiteur en fonction de ce qu’il est, de ses préoccupations, de ses centres d’intérêt : Chocolat Suiss€ : le chocolat ou bien le symbole € : argent placé en Suisse – évasion fiscale, interprétation renforcée par la valise Singapor Transfer (allusion aux paradis fiscaux) … ou encore l’inscription Devil’s First AID sur le sac rose : cf. le film « Le Diable s’habille en Prada » ou bien encore allusion à l’exploitation des ouvrières du textile dans le pays émergents…
• Les dés
Des œuvres plus anciennes en référence au jeu, au hasard, à l’aléatoire, au désordre… Au centre du cloître mauriste les séries de 3 DADOS acier corten peuvent faire penser à la citation d’Albert Einstein : « Le hasard c’est Dieu qui se promène incognito ».
Dans le cloître souterrain : les syllabes qui composent le mot COMMUNICATION peuvent être associées dans l’ordre mais aussi dans le désordre, allusion à une communication sujette à interprétations diverses, inaboutie…
PENTÁGONO-WILL, PENTÁGONO-MOST, PENTÁGONO-MUST , notion de libre arbitre, références à John Gray et à sa critique économique et sociale
• Amor/Cupido (amour/cupidon)
Dans les deux œuvres Amor propells (Amour propulse) et Cupid 1, 2, 3 on trouve les deux termes pour évoquer Eros. Petit renvoi à la mythologie grecque et romaine : chez les Romains l'Amour (Eros) était fils de Zeus et d'Aphrodite, et Cupidon (Imeros) fils de la Nuit et de l'Erèbe. Les Grecs distinguaient aussi Cupidon et Amour. Ils appelaient le 1er Imeros, Cupido ; et le 2e Eros, Amor. L'un, doux et modéré, inspirait les sages ; l'autre, emporté et violent, possédait les fous. L’hélice fait allusion aussi au fait que l’amour est une force dynamique qui peut avoir des aspects positifs et négatifs.
• Apollo’s descendants
En référence au drame de la capsule Apollo : à noter les contours du visage d’une madone (consolatrice ?) insérée dans le casque, le drapée du voile, et à la base du socle des drapées de couleurs vives évoquant des tableaux de Zurbaran.